L’océan Arctique ouvert aux navires
Cette situation, exceptionnelle il y a trois décennies, tend à se répéter de plus en plus fréquemment. C’est le résultat d’un réchauffement climatique particulièrement fort dans les hautes latitudes. Un réchauffement bien prévu par les modèles numériques du climat.
Mais ces mêmes modèles ont sous-estimé la rapidité avec laquelle la banquise allait réagir, notamment parce qu’ils ne prenaient pas bien en compte l’effet de sa fragmentation. Ainsi, la situation actuelle n’était pas attendue, il y a une vingtaine d’années, avant la moitié du 21ème siècle.
Au 14 août, la surface de la banquise – l’aire de l’océan où au moins 15% de la surface est couverte de glaces – ne faisait plus que 5,04 millions de km² contre environ 8 millions de km² à la même date au début des années 1980.
La rétraction estivale de 2019 va t-elle battre le record de 2012 ? Ce n’est pas impossible montrent des simulations de la période qui nous sépare du minimum annuel de l’étendue de la banquise, entre le début et la mi-septembre en moyenne. Mais même si le record n’est pas battu, l’extension minimale sera au plus d’environ 4 millions de km², très loin des observations des années 1980.
Phénomène irréversible
En outre, la survenue plus rapide que prévue de la fonte estivale massive de la banquise est un phénomène irréversible. En effet, elle a fait disparaître au fil des années les glaces de mer vieilles de plusieurs années – celles qui « passaient l’été ». Ces vieilles glaces s’empilaient les unes sur les autres et formaient une épaisseur bien plus grande, jusqu’à plus de 4 mètres, que celle de la glace formée durant un seul hiver. Petit à petit, l’épaisseur moyenne de la banquise a donc diminué (graphique ci-dessous). Ainsi, au 15 juillet dernier, elle n’atteignait qu’un peu plus d’un mètre… contre plus de deux mètres au début des années 1980 à la même date.
Cette diminution de l’épaisseur de la banquise y compris durant l’hiver facilite sa fonte renouvelée et précoce lorsque l’été revient. La rétraction estivale de la banquise, effet du réchauffement, en devient une cause : les eaux de surface exposées aux rayons du Soleil absorbent son énergie – alors que la glace renvoie vers l’espace presque toute l’énergie solaire – ce qui amplifie encore le phénomène. Réchauffées et libres de glace, les eaux de surface de l’océan glacial arctique voient le phytoplancton se développer, ainsi que la faune marine qui l’exploite. C’est tout l’écosystème qui se transforme…