L’océan, puits de carbone à l’avenir incertain
Physique et biologie travaillent main dans la main
L’océan capte et stocke le CO2 atmosphérique grâce à deux processus : l’un physique, l’autre biologique. Le premier fonctionne grâce à la solubilité du CO2 dans l’eau. Le CO2 atmosphérique se dissout naturellement dans l’océan et cette dissolution est favorisée à basse température. L’eau froide étant plus dense, elle plonge, emportant avec elle le CO2 dissous. Le deuxième processus s’appuie sur la photosynthèse réalisée par le phytoplancton. Ces algues microscopiques absorbent le CO2 de l’atmosphère et le transforment en matière organique et en dioxygène (O2) grâce à la lumière du Soleil. Lorsqu’elles meurent, une partie s’exporte vers le fond de l’océan, séquestrant ainsi le carbone dans les profondeurs. « On entend souvent dire que les forêts représentent un puits de carbone majeur. Mais l’océan aussi, grâce à la ‘forêt de la mer’ que constitue le phytoplancton. Et alors que les forêts prennent très longtemps à se régénérer, la biomasse algale se reforme en quelques jours », rappelle Cécile Guieu, chercheuse au Laboratoire d’Océanographie de Villefranche (LOV).
Au final, près de 30 % des émissions de CO2 que l’Homme produit sont capturés par l’océan. « Mais c’est uniquement grâce au processus physique que cet excédent de gaz carbonique est absorbé » , explique Stéphane Blain, chercheur au Laboratoire d’Océanographie Microbienne (LOMIC). En effet, le phytoplancton n’a pas bénéficié de l’excès de CO2 produit par les activités humaines et la quantité de CO2 piégée par le processus biologique reste donc inchangée. » Dans le contexte du changement climatique, réaliser un bilan carbone pour décrire la capacité de l’océan à absorber le CO2, aujourd’hui et à l’avenir, est un enjeu de recherche majeur.
Le très mystérieux processus biologique
Le processus physique est relativement bien connu depuis de nombreuses d’années car il implique essentiellement deux paramètres : la température et la salinité. Ceux-ci sont responsables de la circulation thermohaline, le circuit que l’eau de mer emprunte pour se déplacer à travers le globe.
Au contraire, le processus biologique reste encore très compliqué à décrire pour plusieurs raisons. Déjà, car il implique beaucoup plus de paramètres que le processus physique. Ensuite, « parce que l’état de l’océan n’est plus statique à cause du changement climatique », comme le souligne Cécile Guieu. « On étudie un objet en évolution permanente sans connaitre la vitesse de modification des processus, comme par exemple l’intensification de la stratification liée au réchauffement qui va réduire les apports nutritifs des couches profondes de l’océan vers la couche éclairée ». Enfin, car, comme l’explique Fabrizio D’Ortenzio, chercheur au Laboratoire d’Océanographie de Villefranche, « l’océan est un objet très vaste – il recouvre 70 % de la planète – et unique – les changements qui ont lieu à un endroit se répercutent partout. Ainsi, le phytoplancton est en permanence soumis à des modifications de son environnement proche qui ont parfois des causes à l’autre bout de la planète. Avoir une vision d’ensemble des connexions entre la dynamique de l’océan et celle du phytoplancton est donc primordiale ». Cette vision d’ensemble de l’océan est possible depuis l’espace : un satellite en orbite polaire observe, en 24 heures, la totalité de la surface océanique avec une résolution d’environ 1 km. Avec une telle résolution, on peut déterminer la concentration en chlorophylle1 et même celle des différentes espèces de phytoplancton…
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