Recherches Arctiques

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ISSN : 2755-3755

Mikaa Mered : « En Arctique, la nouvelle génération ne veut plus sacrifier la nature pour développer l’économie »

Publié le 02.11.2021 - Article de Mathilde Saljougui du 23/08/2021 (interview de Mikaa Mered) sur GEO
A qui profite la fonte des glaces dans le Grand Nord ? Face au réchauffement et au développement industriel, les peuples autochtones ont-ils une chance de défendre leurs intérêts ? Faut-il sanctuariser la région et limiter la présence humaine ? Un spécialiste des pôles, Mikaa Mered, répond à ces questions

GEO : On entend souvent dire que le futur de la planète se joue en Arctique. Qu’en pensez-vous ?

Mikaa Mered : C’est vrai en ce qui concerne les questions climatiques. Avec l’Antarctique et l’Amazonie, l’Arctique est aujourd’hui l’un des trois grands régulateurs du climat mondial. Toute modification en profondeur de cette zone peut avoir des conséquences l’échelle de la planète. En revanche, sur les volets économique et géopolitique, il convient de nuancer le propos… Par sa situation géographique au coeur des trois grands pôles économiques de la planète – l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie du Nord-Est –, l’Arctique est une zone stratégique. Et elle le sera plus encore à l’horizon 2030-2035, lorsqu’émergera une route maritime relativement importante dans le passage du Nord-Est, voie d’eau pour l’instant encore prise par les glaces une partie de l’année et qui relie l’Europe à l’Asie en longeant la côte russe [voir carte]. Je dis «relativement importante» car elle ne viendra pas concurrencer le canal de Suez ou celui de Panamá. Mais le transport maritime étant voué à doubler, voire tripler, d’ici à 2050, les grands axes actuels ne pourront pas absorber une telle hausse. On estime que le passage du Nord-Est pourrait capter 5 à 10 % du trafic maritime Europe-Asie, ce qui représente tout de même plusieurs centaines, voire plus de 1 000 milliards de dollars de valeur de marchandises transportées par an.

A qui va profiter le développement de cette route maritime ?

A la Russie. C’est l’Etat qui contrôle le plus de territoires – terrestres, maritimes, aériens – dans l’Arctique. Et Moscou fait tout pour développer cet axe le plus vite possible : la Russie dispose de plus de 700 ice captains formés à naviguer dans les glaces – contre une centaine au Canada et une cinquantaine en Norvège. Les brise-glaces nucléaires russes sont aussi de plus en plus performants : l’Arktika, mis à l’eau en 2020, a doublé sa puissance de propulsion par rapport aux navires de la génération précédente. Et la Russie travaille déjà sur le Lider, le plus gros et plus puissant brise-glace au monde, qui devrait être opérationnel en 2027. Etant donné la condition des glaces arctiques aujourd’hui, dont la surface et l’épaisseur se réduisent à cause du changement climatique, la flotte russe devrait ainsi pouvoir naviguer toute l’année via le passage du Nord-Est. C’est son objectif pour 2025. Avec l’Arktika, elle y arrivera peut-être même dès 2024, voire 2023.

Il ne faut donc pas compter sur Moscou pour lutter contre le réchauffement de la planète…

Absolument pas. Mais je mettrais un bémol. Car, depuis 2017, qui a été proclamée année de l’environnement par Vladimir Poutine, la Russie reconnaît la réalité du réchauffement climatique – même si elle continue de nier qu’il est majoritairement causé par les activités humaines. Aujourd’hui, le pays se trouve dans une situation compliquée : son économie, sur laquelle repose le régime politique, est fondée sur l’extraction de pétrole, gaz, minerais… Autrefois, celle-ci avait lieu, pour la plupart, dans le sud du pays ou dans les moyennes latitudes mais, au cours de la deuxième moitié du XXe siècle et du début du XXIe siècle, ces ressources, exploitées massivement, ont commencé à décliner. La Russie est donc dans l’obligation d’aller toujours plus au nord pour exploiter de nouveaux gisements. Paradoxalement, elle a trouvé le moyen de concilier développement de l’Arctique et lutte contre le réchauffement de la planète. Cela grâce au gaz naturel et surtout à l’hydrogène vert, bien plus propre que le charbon et le pétrole. En fournissant ces énergies moins carbonées au reste du monde, la Russie se targue de participer à l’effort international pour faire baisser les émissions de CO2 et se positionne pour devenir, dans les années à venir, un acteur majeur de la transition énergétique mondiale. Ce discours, porté par Vladimir Poutine depuis quelques années, a toutefois des limites, car il ne concerne pas, par exemple, les émissions de méthane, un gaz à effet de serre encore plus dangereux que le C02

Lire la suite et voir l’interview en vidéo sur GEO

 

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