Réchauffement : « On approche du point de bascule où l’Atlantique va envahir l’Arctique »
Océanographe à l’Institut de recherche marine de Tromso, en Norvège, Sigrid Lind étudie l’évolution du climat dans le nord de la mer de Barents depuis les années 1970. Elle explique comment l’augmentation très rapide de la température dans cette zone annonce un changement climatique majeur.
Dans vos travaux, vous décrivez le nord de la mer de Barents comme le « point chaud » du réchauffement climatique…
On a commencé à y mesurer la température de l’eau à 50 mètres de profondeur, là où elle est la plus froide, au mois de septembre, dans les années 1970. Le point de congélation pour l’eau salée est à – 1,9 degré. Les températures variaient entre – 1 et – 2 degrés. Le changement a commencé au début des années 2000 et s’est accéléré à partir de 2007. Entre 2011 et 2016, c’est incroyable : l’eau y est à zéro degré.
Que s’est-il passé ?
Le nord de la mer de Barents est la zone frontière du domaine arctique, là où convergent les eaux atlantiques et arctiques. Il en résulte une stratification de la colonne d’eau. Plus chaud et plus salé, l’océan Atlantique constitue la couche inférieure, recouverte par la couche arctique, moins dense car alimentée en eau douce moins salée. Ses eaux, plus fraîches protègent la surface de la chaleur des profondeurs, ce qui permet à la glace de se former.
L’apport premier d’eau douce provient des banquises de l’Arctique intérieur, ainsi que des rivières et des zones humides de Sibérie. Plus cet apport est important, plus les différences de salinité et donc de densité sont importantes entre les deux couches, plus la stratification est solide. Mais les réactions climatiques positives, qui amplifient les changements, fonctionnent dans les deux sens. Donc moins il y a d’eau douce, plus la stratification s’affaiblit…