Recherches Arctiques

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ISSN : 2755-3755

«Sur l’Arctique, le sensationnalisme est excessif, mais il fait vendre»

Publié le 24.12.2019 - Article d'Alexis Feertchak du 20/11/2019 sur Le Figaro
INTERVIEW - L’incertitude climatique est grande, mais les risques de conflit économique ou militaire exagérés, analyse Mikaa Mered, professeur à l’ILERI et auteur de «Les mondes polaires» aux PUF

LE FIGARO. – Pour la première fois, la Russie a mis à l’eau un navire brise-glace armé de missiles. Est-ce un signe des tensions en Arctique alors que les Américains ont réactivé en 2018 leur 2e Flotte, qui couvrait l’Atlantique Nord jusqu’en 2011 ?

Mikaa MERED. – Les États-Unis et la Russie reconstituent en Arctique leurs capacités militaires. Mais pour l’instant, les forces repositionnées ne sont qu’une fraction de ce dont ils disposaient durant la Guerre froide. Chacun a un avantage comparatif non négligeable: les États-Unis sont leaders en matière de sous-marins et d’action furtive, mais la Russie dispose d’une capacité de projection en surface supérieure, grâce à ses personnels formés pour des opérations en climat froid et à sa flotte de brise-glaces, de très loin la première au monde.

Les États-Unis n’ont plus construit de brise-glace depuis 40 ans. En conséquence de quoi, ils devraient mettre huit ans à en fabriquer un seul, pour plus de 800 millions de dollars, soit deux à trois fois plus qu’un brise-glace moderne russe ou chinois. Et ils ont aussi perdu leur savoir-faire opérationnel. On ne forme pas un marin pour naviguer dans l’Arctique en un an ! D’ailleurs, si la Chine avance vite pour se constituer une flotte de brise-glaces, elle rencontre aussi cette difficulté.

Nouvelle «guerre très froide», «ruée vers le far north», «eldorado polaire» : de nombreuses métaphores fleurissent sur l’Arctique. Cela vous paraît-il justifié ?

Le sensationnalisme médiatique et politique sur le commerce et plus encore sur la possibilité d’un conflit armé entre grandes puissances en Arctique est excessif, mais il fait vendre. Certains politiques se positionnent de façon caricaturale en matière de protection de l’environnement en usant de chiffres et d’images chocs mais parfois faux, comme sur la population des ours polaires, qui n’est pas en déclin. Il y a aussi l’idée que, par souci écologique, ils pourraient empêcher le développement économique de l’Arctique. C’est un attrape-nigaud ! Nos entreprises sont déjà présentes et figurent parmi les leaders de certains secteurs, par exemple dans les Télécoms, le BTP, l’énergie, la croisière, et les peuples de l’Arctique veulent se développer…

Enfin, du côté médiatique, disons-le tout net : l’Arctique c’est du pain béni. Combien de reportages oublient de dire que, devenus pêcheurs, certains anciens chasseurs groenlandais sont devenus les premiers millionnaires du changement climatique? Chez les producteurs, cela est assumé : jouer sur le sensationnalisme est le seul moyen de bien vendre des sujets sur l’Arctique…

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