Une navigation dans les glaces arctiques
Polarfront, de l’armement français Latitude Blanche, a repris ses expéditions au début de l’été avec, en conformité avec les directives sanitaires norvégiennes, une légère baisse de la jauge. Les passagers sont au rendez-vous, double-vaccinés comme imposé obligatoirement par la Norvège. Et visiblement ravis d’être là après des mois de confinement et de restrictions de déplacement. En provenance de France et de Suisse, ils franchissent l’échelle de coupée de Polarfront avec enthousiasme. A bord, l’atmosphère est cosy : l’ancien navire météo norvégien a été taillé pour le froid et cela se sent à tous les ponts. Dans le salon à l’épaisse moquette, les passagers se rejoignent pour faire connaissance avec l’équipage et découvrir le programme des 10 prochains jours. A la barre pour cette expédition, le commandant Sophie Galvagnon, par ailleurs co-fondatrice de l’armement Latitude Blanche.
Le sourire de Sophie est gourmand. Elle a regardé les cartes de glace mises à jour quotidiennement par les services météo norvégiens. Nous sommes fin août, au moment où la glace a le plus reculé et où les eaux de l’archipel sont le plus libres et donc navigables. « Et si on faisait le grand tour par l’Est ? ». Le Svalbard est constitué de plusieurs îles, le Spitzberg étant la principale qui abrite la capitale Longyearbyen, la base scientifique de Ny-Alesund et les mines russes de Barentsburg. Au sud on y trouve le Sørkapplandet, à l’est les îles de Edgeøya et de Barentsøya et au nord la très grande île de Nordaustlandet. Celle qui marque le territoire le plus septentrional de l’archipel. Et là où il y a le front glaciaire arctique.
Sophie connaît bien les glaces. Elle les a apprises patiemment, d’abord à la passerelle des brise-glaces suédois en Baltique, puis dans les eaux du Svalbard dont elle connaît presque tous les cailloux, courants et nuances de couleurs à l’horizon qui annonce un grain. En quelques secondes, elle sait que ce vent d’ouest s’est levé. Une petite brise sous des latitudes plus méridionales, aura ici des conséquences bien différentes si on navigue au milieu des glaces. Cet apprentissage est long, ne s’improvise pas et requiert un sang-froid doublé d’un grand sens marin. Sophie ne s’en vantera jamais, mais on sent qu’elle est ici chez elle, dans ce royaume du brash, du nilas, de névé et de banquise. Si, aux commandes des brise-glaces elle devait se frayer un chemin en cassant de la glace pour ouvrir la voie au trafic de commerce dans le golfe de Bothnie, ici, ce n’est pas du tout ce qu’elle goûte. Avec Polarfront et sa coque renforcée, ce qu’elle aime c’est frôler la glace, trouver une route au milieu des icebergs, « pousser un peu les glaçons », comme aiment dire les marins qui naviguent dans ces eaux…
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