- Iles de Nouvelle Sibérie
- Source : Wikimedia Commons
Les îles de Nouvelle-Sibérie, situées approximativement entre 700 et 1 200 km au nord du cercle polaire arctique, marquent la séparation entre les mers de Sibérie orientale et de Laptev (océan Arctique) aux environs de 75° de latitude nord. Elles furent le siège d’un volcanisme basaltique que les auteurs (des chercheurs russe et suédois) tentent de rapprocher des célèbres trapps [1] affleurant largement sur le continent voisin (situé à moins de 100 km au Sud), dénommés trapps de Sibérie.
Ces derniers sont considérés comme représentatifs du plus grand épanchement volcanique de surface des 500 derniers millions d’années. On estime que leur volume est compris entre 2 et 3 millions de km3 et que leur mise en place s’est effectuée durant une période de l’ordre de 1 million d’années, voire moins, durée relativement faible à l’échelle des temps géologiques.
- Extension et structure des trapps de Sibérie mis en place à la limite Permien-Trias, il y a 250 millions d’années
- Source : Université de Bristol (UK)
Par le biais d’une étude pétrographique et géochimique [2], on démontre en particulier ici que des filons de dolérites et autres intrusions de gabbros, échantillonnés sur plusieurs îles de l’archipel (ces deux types de roches magmatiques représentent le contenu cristallisé en profondeur des cheminées volcaniques ayant alimenté les coulées de lave en surface), ont de nettes affinités avec les trapps de Sibérie déjà cités. De surcroît, un âge de 252 millions d’années (limite Permien-Trias qui correspond aussi à la limite entre ère primaire et ère secondaire), obtenu par datation de cristaux de zircon extraits d’un gabbro, est tout à fait conforme à celui de ces mêmes trapps.
L’intérêt principal de l’étude est d’avoir ainsi permis de mettre en évidence le fait que ces îles appartenaient à la même unité continentale que la plate-forme sibérienne au début du Mésozoïque (ère secondaire). Ceci remet en cause les reconstitutions tectoniques proposées au préalable pour cette région et, par voie de conséquence, celles concernant l’évolution géodynamique de l’ensemble de l’Arctique à cette époque.
- Trapps de Sibérie : succession de coulées de lave en position subhorizontale pouvant atteindre des épaisseurs de plusieurs milliers de mètres
- Crédit photo : Université de Munster
En effet, un tel modèle s’oppose aux idées classiquement admises considérant l’archipel de Nouvelle-Sibérie comme représentatif d’un terrane exotique [3] vis à vis de la Sibérie proche (plate-forme sibérienne). Nous sommes dès lors contraints d’envisager une redéfinition de la configuration des plaques (ou microplaques) et de leurs mouvements relatifs durant cette période. Cette vision nouvelle n’est pas sans importance connaissant l’influence exercée par l’océan Arctique, tant actuellement que par le passé, sur la circulation océanique et donc sur l’évolution du climat à l’échelle planétaire.
Une autre conclusion est que l’activité volcanique intraplaque (en provenance du manteau) affectant la région à la limite Permien-Trias apparaît d’une extension spatiale plus étendue encore comparée à celle initialement supposée. D’aucuns considèrent que cet épisode magmatique, particulièrement intense mais de courte durée, est directement à mettre en relation avec l’une des plus importantes (sinon la plus importante) extinctions de masse ayant jalonné l’histoire de la Terre, située précisément à la limite Permien-Trias et durant laquelle il a été estimé que près de 90% des êtres vivants (en pourcentage d’espèces) disparurent de la surface de la planète, tant sur terre que dans les mers [4].