Des ruines de villages thulĂ©ens ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes en Alaska, au Canada, au Groenland et en SibĂ©rie orientale. Les ThulĂ©ens sont les ancĂŞtres directs des Inuits. Leur nom vient de ThulĂ©, une localitĂ© au nord-ouest du Groenland, oĂą des traces de ce peuple ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes. Il y a environ mille ans, ils sont partis d’Alaska pour s’établir dans tout le grand nord amĂ©ricain et au-delĂ .
- Vestige de maison thuléenne, Nunavut. Le sol était recouvert de dalles, la charpente était en os de baleine.
- Crédit photo : Baine
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La chasse à la baleine est l’une de leurs principales activités. Ce mammifère marin, pouvant atteindre 20 mètres de long et peser près de 100 tonnes, leur permet de se nourrir, de se chauffer, de s’éclairer, de fabriquer des outils, mais aussi de construire leurs habitations d’hiver.
En effet, semi-nomades, les ThulĂ©ens se dĂ©placent en fonction des saisons. A la saison froide, ils vivent dans des habitations construites sur la cĂ´te. Ils les quittent au printemps, lorsque leurs rĂ©serves de nourriture s’épuisent, pour s’installer dans des tentes en peaux, plus Ă l’intĂ©rieur des terres.
Leurs maisons d’hiver sont circulaires et semi-enterrĂ©es. On accède Ă la pièce principale par un long tunnel d’entrĂ©e en pente, qui empĂŞche le froid d’entrer. La moitiĂ© arrière de la salle est occupĂ©e par une plate-forme surĂ©levĂ©e recouverte de peau, servant de lieu de travail ainsi que de lit commun Ă toute la famille.
Pour construire ces habitations, les ThulĂ©ens utilisent les matĂ©riaux Ă leur disposition : pierres, bois, mottes de terre, tourbe, peaux et…os de baleine. Avant qu’ils ne suivent les mouvements des cĂ©tacĂ©s vers l’Atlantique Nord, ils disposaient de bois. Mais, plus ils se sont Ă©loignĂ©s de l’Alaska, plus le bois a manquĂ©. Ils l’ont alors remplacĂ© par les os du cĂ©tacĂ© dont ils se sont servis essentiellement pour l’élaboration de la charpente et du tunnel d’entrĂ©e.
- Maison thuléenne
- Source : Encyclopédie canadienne
Une Ă©quipe d’anthropologues canadiens s’est intĂ©ressĂ©e Ă l’utilisation des os de baleine dans dix-huit maisons dĂ©couvertes sur la cĂ´te sud-est de l’île Somerset (Nunavut, Canada). Les scientifiques suggèrent que le recours Ă ce matĂ©riau n’est pas uniquement pragmatique : il aurait aussi un sens liĂ© au symbolisme de la baleine. Cette hypothèse s’appuie sur une relation d’analogie entre la culture inupiat (culture inuit du nord de l’Alaska), dĂ©rivĂ©e de la thulĂ©enne très proche, et la culture des Inuit du Nunavut (Canada), notamment celle des Iglulik [1].
La maison thuléenne représenterait une baleine dont le tunnel d’entrée évoque la bouche et la pièce principale, le corps. Outre la conception de cette habitation, la femme est, elle aussi, liée au symbolisme du cétacé. Certains comportements et actions lui sont donc interdits, afin de favoriser le succès des baleiniers lorsque ceux-ci sont en mer.
Ainsi, chez les Inupiat, la femme du possesseur du bateau de pĂŞche, reprĂ©sentante de l’âme de la baleine pourchassĂ©e, doit respecter des règles strictes. Les femmes de Tikigaq (Alaska), par exemple, se comportent comme si elles Ă©taient malades et fatiguĂ©es, bougeant très peu. Ce comportement est destinĂ© Ă troubler l’esprit de la baleine pour lui faire croire qu’elle est elle-mĂŞme faible et Ă©puisĂ©e. Plus Ă l’est, au Canada, les femmes iglulik (Inuits du Nunavut, Canada) respectent des règles comparables : elles doivent desserrer leurs vĂŞtements et s’allonger tranquillement dans leurs tentes afin d’empĂŞcher la baleine de faire chavirer le bateau des chasseurs.
Les similitudes de ces rituels chez les Inuits d’Alaska et du Canada laissent supposer une croyance commune qui trouverait son origine chez le peuple de Thulé.