La formation et l’évolution des sables éoliens fait appel à différents processus en relation avec le vent, l’érosion fluviatile ou glaciaire, l’altération météorique, le transport et le tri des sédiments. Dans le monde, seules certaines régions volcaniques présentent un climat propice à la formation et à la préservation de sables éoliens d’origine volcanique, dérivés majoritairement de roches basaltiques [1].
- Caldeira du volcan Askja en Islande
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Ce type de sédiment se rencontre notamment en Islande, ce pays combinant en effet un volcanisme actif soumis à un climat froid et humide, il en résulte que 22 000 km2 sont des régions riches en sable comportant une faible densité de végétation, elles représentent 21 % environ de la surface totale du pays. On rencontre souvent les nappes de sable dans les plaines inondables situées à la marge des glaciers ou proche des rivières glaciaires, elles représentent la conséquence de l’érosion, du transport et du dépôt de matériaux volcaniques. Les roches volcaniques dont sont issus les sables peuvent présenter des compositions très différentes, certaines coulées de laves peuvent être riches en phénocristaux [2], d’autres sont enrichies en verre volcanique, ce qui aura une influence sur la composition et la texture des grains de sable. La présence de sables volcaniques sur Mars est à présent scientifiquement attestée, que ce soit à l’aide de la télédétection depuis l’espace ou par l’observation directe des robots depuis son sol. L’étude de ces sables, en utilisant notamment la spectrophotométrie et l’inertie thermique de surface, a permis de définir que la dimension des grains était généralement de l’ordre de 100 micromètres (0,1 mm) environ et compatible avec un transport éolien dans l’atmosphère martienne.
- Dunes de sable sur Mars (Rover Curiosity)
- Crédit photo : NASA/JPL-Caltech
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L’origine basaltique de ces sables, composĂ©s de pyroxène [3], d’olivine [4] , de plagioclase [5] et de verre volcanique [6] a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e par l’utilisation de la tĂ©lĂ©dĂ©tection dans l’infrarouge thermique, dans le proche infrarouge ainsi que dans le visible, elle a Ă©tĂ© confirmĂ©e par des observations in situ des robots sur les sites d’atterrissage de Gusev, Meridiani et Phoenix. Pour mieux comprendre tous ces phĂ©nomènes, il a Ă©tĂ© nĂ©cessaire de sĂ©lectionner des « analogues terrestres » et l’un des meilleurs candidats se trouve ĂŞtre l’Islande. Depuis plusieurs annĂ©es, des Ă©quipes de recherche foulent le sol islandais afin de tenter d’expliquer la genèse et la morphodynamique des nappes de sables volcaniques. L’une de ces Ă©quipes s’est attachĂ©e Ă Ă©tudier deux zones riches en sable, la première est appelĂ©e Dyngjusandur, elle est situĂ©e Ă la marge du glacier Dyngjujökull, au sud du volcan Askja, la nappe couvre une surface d’environ 270 km2, c’est l’une des plus grandes d’Islande. La seconde, nommĂ©e Lambahraun est localisĂ©e au sud du glacier Langjökull, dans la partie sud-ouest du pays. L’étude minĂ©ralogique de Dyngjusandur indique que les sables prĂ©sentent quatre composants : du verre volcanique, du pyroxène, de l’olivine, et du plagioclase. Le verre volcanique peut reprĂ©senter de 80 Ă 90 % du pourcentage total, ceci pouvant ĂŞtre expliquĂ© par l’érosion de roches comme des laves en coussins (pillow lavas) [7] et surtout des hyaloclastites [8], ces roches Ă©tant gĂ©nĂ©rĂ©es sous le glacier au contact direct de la glace par refroidissement rapide et Ă©tant ainsi très riches en verre volcanique.
- Plage de sable noir au sud de l’Islande
- Crédit photo : Mathieu Allory
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Les sables auraient été transportés par les rivières sous-glaciaires, les vents dominants orientés sud-est à sud-ouest les auraient finalement dispersés au nord du glacier, ces sables ont une composition homogène typique des basaltes tholéiitiques. En ce qui concerne Lambahraun, la morphologie des dépôts éoliens semble contrôlée par les vents catabatiques [9]. Les sables sont formés à 80 % de cristaux d’olivine, de pyroxène et de plagioclase, ce qui est conforme à la composition minéralogique de roches basaltiques, 20 % seulement des grains sont constitués de verre volcanique. Les roches volcaniques dont seraient issus ces sables proviendraient cette fois d’éruptions à l’air libre et non sous-glaciaires, les coulées de lave auraient été érodées par les avancées et les retraits successifs du glacier sur une durée relativement courte à l’échelle géologique qui est estimée à 4 000 ans. Ce site offre une excellente opportunité pour l’étude de la ségrégation minérale et du phénomène physique de granoclassement des grains dérivés de roches basaltiques, ce qui aidera à la compréhension de la variabilité compositionnelle des nappes de sable et dunes martiennes.
Ces recherches sur les sables islandais peuvent ainsi nous aider à comprendre des phénomènes qui se déroulent sur une planète située à plusieurs millions de kilomètres. Sur Terre, le réchauffement climatique actuel entraîne un retrait généralisé des glaciers et augmente le risque de crues. Cette situation va libérer de nouvelles quantités de sable qui se trouvent encore actuellement piégées sous les glaciers islandais, ces masses de sédiments vont être prochainement disponibles pour subir un transport fluviatile et/ou éolien, ce qui, à terme, va contribuer à augmenter la surface des déserts sableux dans le pays.